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Un mouvement social inédit

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La mobilisation contre la réforme des retraites remet sur le devant de la scène la grève comme outil à la disposition des salariés. Manifestations et blocages font reculer les divisions entre travailleurs.

Les manifestations sont un peu le baromètre de la mobilisation. Elles rassemblent à chaque nouvelle date nationale des nombres de manifestants historiques. Le 19 octobre a confirmé le maintien dans la durée d’une mobilisation exceptionnelle, d’un refus massif de la réforme des retraites. Au-delà, les slogans, banderoles, multiples pancartes individuelles expriment un rejet profond de Sarkozy, du gouvernement et aussi « de cette société-là ».
Nombre de militantEs conscientEs que face à l’épreuve de force imposée par le pouvoir, seule une grève générale interprofessionnelle permettra de gagner, peinent à convaincre dans leur milieu de se lancer sans attendre dans la grève reconductible. Mais ces difficultés bien réelles ne doivent pas nous masquer le changement majeur de la situation sociale actuelle.
Il n’y a pas eu, en France, de mouvement gréviste de cette nature depuis très longtemps. Le nombre de journées individuelles non travaillées – dénomination statistique et aseptisée des jours de grève – dans le secteur privé se situe sous 1 million par an depuis 1985, et en dessous de 500 000 depuis 1990 (sauf les 700 000 de 1995). Il est évident que nous avons dépassé ces chiffres dès aujourd’hui. Même si nous sommes encore loin des 3 à 4 millions des années 1974-75, il s’agit d’un changement majeur.
Sont en grève, outre les raffineries, des secteurs importants d’EDF (centrales et distribution), de la chimie, des cheminots, des routiers, des transports, des hôpitaux, des services publics locaux comme à Marseille mais pas seulement, des aéroports, et des usines le plus souvent en débrayages à répétition (une ou deux heures par jour... reconductibles).
À la différence des vagues de mobilisation depuis quinze ans qui s’appuyaient sur un secteur en lutte (cheminots, enseignants, jeunesse), soutenu ponctuellement par les autres, pour la première fois depuis très longtemps cette grève est, dans les faits, inter­professionnelle par ses acteurs et actrices comme par ses exigences. Cette expérience est essentielle pour reconstruire la conscience de classe, celle que nous sommes bien dans un combat de nous – les salariés au sens large donc retraités, chômeurs, précaires – contre eux – les capitalistes servis par ce gouvernement. De même, la jeunesse lycéenne ou étudiante qui se mobilise, le fait comme futurEs salariéEs, en sachant qu’elle appartient à cette majorité de la société qui n’a que sa force de travail à vendre pour vivre.
C’est la grève elle-même comme arme des salariés qui reprend sa place et sa force. Impossible désormais de dire que « Quand il y a des grèves maintenant cela ne se voit plus ». La grève actuelle est le plus formidable démenti ! L’arrêt total des raffineries frappe au cœur même des plus grands groupes capitalistes, parmi les champions du CAC40.

Expérience fondatrice
Ce mouvement est aussi un antidote au poison de la division entre public et privé. Mais, la différence se fait sentir entre des secteurs qui ont la conscience de pouvoir bloquer l’économie et les autres, qu’ils n’aient pas le pouvoir ou la conscience de pouvoir paralyser la société en cessant le travail.
Dans cette situation, les blocages répondent à ce besoin de faire une grève utile. Loin de s’opposer ou de se substituer, grèves et blocages se complètent et se renforcent. Les blocages de dépôts de carburants apportent un soutien pratique et utile à la grève des raffineurs. Dans de nombreux secteurs, l’objectif d’utiliser le temps de grève pour bloquer donne un objectif et aide à convaincre. Le temps passé devant les dépôts, dans les zones industrielles, sur les carrefours et autres points vitaux de l’économie, est mis à profit pour tisser des liens entre les équipes militantes présentes. Ces lieux deviennent de vrais creusets de solidarité et de convergence inter­professionnelle à la chaleur des feux de palettes. Ils ne peuvent que renforcer les différentes formes de regroupements interprofessionnels qui voient le jour : AG intersyndicales regroupant des responsables syndicaux combatifs éditant même des bulletins quotidiens, AG interpro de secteurs, ou encore regroupements plus ou moins autonomes des syndicats. Le développement de ces structures est bien évidemment inégal, plus ou moins significatif, mais il permet de dépasser le chacun dans sa boîte, les rivalités syndicales et dans certains cas de s’affranchir (un peu) du calendrier fixé par les confédérations.
Nous vivons une expérience fondatrice, un début prometteur.
Christine Poupin

Tag(s) : #Mobilisations
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